Publié par Eve Azouar
mardi 15 juillet 2014
lundi 9 juin 2014
mercredi 14 mai 2014
La vieille dame qui ne voulait pas mourir
Chapitre 1: L'heure de la rencontre
Ginette était
une jeune fille ronde et joyeuse de 96 ans qui adorait cuisiner dans sa petite
cuisine rose au carrelage vert pomme. Tous les dimanches, elle confectionnait
son fameux gâteau chocolat-banane hyper calorique, une tarte aux pommes à la
crème fraîche, et un baba au rhum. Ensuite, Ginette culpabilisait, et comme
elle était très sportive, elle allait faire du jogging pour tenter de les
éliminer.
Elle allait au casino tous les
samedis, et s'était fait tatouer le signe du dollar sur le bras droit. Elle
était mauvaise perdante, devenait hargneuse et se mettait en colère dès qu'elle
perdait.
Elle passait des nuits blanches à
jouer aux jeux vidéos ou à faire des sudokus, car elle adorait les
mathématiques. D'ailleurs elle avait toujours des équations en tête.
De toute évidence, elle était heureuse
de pouvoir encore profiter de la vie.
Mais elle ignorait que La Mort
l'avait choisie comme victime, car elle estimait que Ginette avait assez vécu.
Par un triste après-midi pluvieux,
La Mort arriva de l'enfer, corps glacé, sourire carnassier, tenant dans sa main
squelettique une faux tranchante...
Ginette, insouciante, était en train
de cuisiner sa tarte aux pommes. Elle entendit sonner. Elle ouvrit la porte et
un vent glacial rentra chez elle. La Mort était là, face à la vieille dame.
- Vous devez mourir! dit-elle d'une
voix grondante.
- Pas besoin de me vouvoyer, dit
Ginette en souriant. Mais par contre je vous conseille d'aller acheter une
brosse à dents de bonne marque!
- Pardon??? Retirez tout de suite ce
que vous venez de dire!gronda La Mort.
- Ne le prenez pas mal, c'est juste
que...
- Stop! Je ne suis pas venue là pour
discuter. Tremblez, vous devez mourir!
Ginette sentit que son visiteur
était vexé et se dit que la moindre des politesses serait de lui proposer une
tasse de thé.
- Entrez donc, vous prendrez bien
une tasse de thé à la rose ou à la violette?
- Non! Je suis venu pour vous tuer.
Vous avez suffisamment profité de la vie!
- Puisque vous n'aimez pas le thé,
vous mangerez un bout de ma tarte aux pommes. Allez, entrez!
Elle fit entrer La Tueuse presque de
force, la fit s'asseoir et lui dit d'attendre.
Quand elle fut dans sa cuisine, La
Grande Faucheuse la rejoignit discrètement. Elle se tenait derrière Ginette,
menaçante. Mais quand la vieille dame se retourna, elle fut si surprise qu'elle
lâcha la tarte brûlante sur son pied. La Mort hurla de douleur, sautilla,
trébucha sur une haltère de Ginette qui traînait par terre, se rattrapa aux
rideaux qui tombèrent avec elle...
Elle fut si vexée, qu'elle s'en alla
en courant par la porte du jardin. Elle cria :
- Je me vengerai Ginette!
Celle-ci explosa de rire, elle
n'avait pas compris qu'elle l'avait échappé belle.
Elle venait de rajeunir de dix ans,
mais ne l'avait pas encore remarqué...
Chapitre 2: A deux doigts d'y passer
Ginette était résolue à brûler les
calories de son dernier baba au rhum. Elle se dit qu'aller à son club de rugby
pour femmes âgées après un jogging serait une bonne idée pour y parvenir. Elle
enfila son survêtement rose fluo et choisit ses baskets vertes.
En chemin, elle ne put s'empêcher de
regarder les éclairs au chocolat à la vitrine de la boulangerie. Elle craqua et
s'en acheta un. Elle l'avala bien vite car elle culpabilisait, et s'étouffa. En
toussant, elle cracha son dentier. C'est alors qu'elle remarqua avec stupeur
que certaines de ses dents avaient repoussé...
- Il faudra que j'en parle à mon
dentiste, se dit-elle.
Elle reprit son footing et passa
devant les maisons aux jardins si joliment fleuris de ses voisins. Elle les
salua au passage sans s'arrêter, mais quand elle vit Germain qui la fixait de
ses beaux yeux bleus, elle ne put s'empêcher de ralentir.
- Bonjour madame Ginette, bafouilla
le charmant homme.
- Bonjour, monsieur Germain,
répondit Ginette en rougissant comme une tomate.
- Vous êtes ravissante! Vous avez
l'air plus en forme que d'habitude... Vous avez fait une coloration à vos
cheveux? s'étonna-t-il.
- Euh non! dit-elle, surprise par
cette question.
Alors elle lui fit son plus joli
sourire pour le remercier de ses gentillesses. Elle reprit sa course et se
sentit plus légère. Elle battit son record de tours de parking.
Mais La Mort n'avait pas abandonné
l'idée de faire passer Ginette de vie à trépas.
Elle arriva de l'au-delà, regard
mortel, haleine létale, tenant une hache déjà pleine de sang: elle venait de
tuer un pauvre homme. Son sourire était terrifiant, un oeil pendait hors de son
orbite, et on comprenait qu'elle allait mettre un plan démoniaque à exécution.
Sa cape ensanglantée volait au vent quand elle aperçut Ginette. Elle était
encore plus déterminée que la dernière fois.
Ginette sentit une présence dans son
dos et une odeur de pourriture. Elle accéléra en pensant que les voisins
fermaient mal leurs poubelles, et se mit à râler. La Mort se rapprochait de
plus en plus. A moins d'un mètre d'elle, elle tendit sa hache en l'air pour
trancher la vieille dame en deux... Mais le capuchon de de sa cape lui tomba
sur les yeux! Elle ne vit plus rien, et comme elle avait très peur du noir,
elle paniqua et se mit à courir dans tous les sens.
Ginette se retourna, et vit un
spectacle étonnant: quelqu'un, déguisé d'une cape, capuchon sur la tête,
gesticulant dans tous les sens, et se prenant un poteau...
Elle se tordit de rire, rit, rit, et
rit tellement... qu'elle rajeunit de dix ans...
- Je reviendrai Ginette! Marmona La
Mort en s'enfuyant, honteuse et verte de rage.
Son fou rire passé, Ginette rentra
chez elle, d'un pas plus léger que jamais.
Chapitre 3: Le sudoku de la mort
Bien installée dans son fauteuil à
bascule, Ginette lisait son journal. Elle tomba sur l'annonce d'un concours de
sudoku. Elle hurla de joie, sauta en l'air, dansa quelques pas de samba (elle
avait retrouvé un jeu de jambes inespéré) et prit dans sa cave sa meilleure
bouteille de champagne: elle devait fêter la nouvelle avec Germain. Elle
attendait ce concours depuis si longtemps!
Ginette s'empressa de rejoindre son
ami et lui annonça, haletante:
- Germain, Germain, vous avez lu la
nouvelle?
- Mais enfin Ginette, calmez-vous,
vous êtes en sueur! Avez-vous battu votre record de tours de parking?
- Mais non, Germain, le journal,
l'avez-vous lu?
- Oui, j'ai vu! Il y a des caleçons
en promotion...
- Mais non voyons! Je vous parle du
concours régional de sudoku!
- Ah oui! Vous parlez de cela! Eh
bien, je compte y participer aussi, j'espère arriver à vous battre!
Ils trinquèrent, burent deux coupes
de champagne et entamèrent une tarte aux pommes. Germain savait Ginette
gourmande, et il avait toujours quelques réserves pour les fois où elle passait
à l'improviste. Plus il regardait sa voisine préférée, plus il la trouvait
jolie et coquette. Il se dit que sa nouvelle coiffure lui donnait comme un coup
de jeune.
Puis Ginette rentra chez elle pour
s'entraîner. Elle se prépara du pop corn, fit une partie de Call Of Duty pour
s'échauffer (elle ne se sentait jamais aussi bien qu'après avoir mitraillé
quelques zombies) et fut enfin prête.
Elle attaqua un sudoku de niveau 9,
mais le résolut en trois minutes.
- Tiens, j'ai progressé, se
dit-elle. D'habitude, je mets bien vingt minutes!
Elle attaqua un niveau dix, puis
onze, puis douze. Au niveau quinze, elle bloqua, se creusa les méninges, mais
comme elle était mauvaise perdante, elle sentit la hargne l'envahir. Elle se
leva d'un bond, et s'en prit aux objets qui l'entouraient en les lançant à
travers la pièce.
La Mort, toujours résolue à éliminer
Ginette, mais beaucoup plus méfiante, était entrée par la fenêtre de sa chambre
restée ouverte. Annoncée par un souffle glacial, elle arrivait des ténèbres,
large et profonde cicatrice sur sa peau putréfiée, ses mains décomposées tenant
un poignard maculé de sang.
Elle descendit les escaliers
lentement, et s'approcha du salon où notre matheuse se défoulait sur tout ce
qu'elle trouvait en criant:
- Tu vas voir, sale bête, je
t'aurai! Tu ne me résisteras pas longtemps!
La Mort se dit que Ginette devait
s'énerver sur son chien, et qu'elle pourrait la tuer plus facilement puisqu'
elle était occupée par quelque chose. Elle se faufila dans le salon, et se
retrouva derrière la vieille dame énervée. Un filet de bave rouge pendant de sa
bouche hideuse, elle brandit son poignard . Elle s'apprêtait à le planter,
quand une balle de ping pong lancée par Ginette avec rage rebondit sur le
mur...et vint se ficher dans son orbite vide.
De surprise, elle lâcha son arme et
poussa un cri à vous glacer les os. Ginette fit volte face, mais ne put avoir
peur devant ce qu'elle voyait! Elle éclata encore de rire, annulant le pouvoir
de La Mort sur elle.
Hors d'elle, exaspérée, La Grande
Faucheuse sortit par la porte avec fracas en hurlant:
- Je l'aurai un jour, je l'aurai!
Ginette s'était calmée, et reprit
son carnet de sudokus et son crayon.
- Tiens, j'ai moins mal aux doigts,
mon arthrose me laisse un peu de répit on dirait...
Chapitre 4: Un déguisement trompeur
Ginette adorait la fête d'Halloween.
Chaque année elle s'achetait un nouveau déguisement, décorait sa maison et
préparait une fête pour quelques amis et voisins du quartier. Cette année là,
elle choisit un magnifique costume de citrouille au sourire cruel. Elle
espérait qu'il plairait à ses amis!
- Bon, se dit-elle, je vais
commencer par faire des petits fours en forme de chauves-souris pour
l'apéritif, confectionner des araignées en fils de réglisse, préparer du jus de
citrouille, puis m'attaquer à la décoration.
Elle s'activa toute la journée pour
transformer sa demeure en maison hantée. Elle était si occupée qu'elle en
oublia de goûter! Quand son estomac gargouilla, elle fit une pause et avala
quatre araignées et trois chauves-souris. Le soir venu, Ginette attendit ses
voisins avec impatience. Soudain, on sonna...
- Un bonbon ou un sort! Crièrent en
choeur les premiers invités.
Elle fit entrer Basile, son ancien
copain de lycée déguisé en loup-garou,Véronique et Jean-Pierre accoutrés en
chat noir et en Frankenstein, Liliane en horrible sorcière avec une énorme
verrue sur le nez. Puis entra Germain tout intimidé dans son costume de
vampire. Il portait un élégant smoking noir, une belle chemise blanche, et une
cape rouge. Il avait aussi un dentier aux canines longues et pointues et du
sang qui semblait couler au coin de ses lèvres.
- Quelle élégance, monsieur Dracula!
dit Ginette charmée.
- Je vous croquerais bien, madame
Citrouille, dit-il d'un air coquin.
Il ne manquait plus que sa voisine
Georgette, qui ne savait pas être à l'heure. Ginette mit une musique
entrainante, et tout le monde commença à danser et à faire honneur au buffet
d'Halloween. Germain regardait de travers le loup-garou qui dansait avec sa
citrouille préférée, et il allait commencer à bouder, quand la sonnette
retentit. La maîtresse de maison alla ouvrir.
- Georgette! Magnifique déguisement!
Quel réalisme! Tu fais froid dans le dos!
- Je suis La Mort! C'est votre
heure, Ginette!
- Allez, je t' ai reconnue
Georgette, petite farceuse, entre!
La fausse Georgette leva sa faux
pour trancher Ginette en deux. Tout le monde se mit à rire devant tant de
comédie, et Germain lui donna une tape amicale dans le dos. Déstabilisée, La
Grande Faucheuse qui n'était qu'un sac d'os, partit en avant et se prit les
pieds dans le tapis. Elle s'étala de tout son long dans le salon, provoquant un
fou rire général. Ginette, croyant que son amie s'était fait mal, se sentit
très gênée et demanda à Frankenstein de la porter sur le canapé.
- Repose-toi un moment, Georgette,
je t'amène quelques petits fours et un bon jus de citrouille pour te retaper.
Mais quand elle revint, elle ne
trouva personne... La Mort, déprimée par ses propres échecs, était repartie
discrètement en pleurant de rage. Quand Georgette sonna vraiment, personne ne
comprit qui s'était étalé dans le salon. Seule Ginette avait sa petite idée.
Germain l'invita à danser un slow. En posant ses mains sur les épaules de son
ami, elle vit que ses tâches de vieillesse avaient disparu. Elle se dit que sa
nouvelle crème achetée une fortune en pharmacie marchait du tonnerre!
Chapitre 5: Froid comme la mort
Il avait neigé toute la nuit, et les
branches nues des arbres du jardin semblaient avoir été saupoudrées de sucre
glace. Elles se découpaient joliment dans le ciel bleu délavé du petit matin et
cette vision de carte postale mit Ginette de bonne humeur. Son diabète ayant
miraculeusement disparu, elle avait repris ses habitudes alimentaires d'autrefois.
Elle se servit un petit déjeuner léger, composé de pudding, dattes, abricots
secs, biscottes beurrées de margarine et agrémentées de sirop d'érable, et but
deux cafés brûlants bien sucrés car elle projetait d'aller se promener et
d'affronter le froid.
Elle sortit ses skis de fond, enfila
sa doudoune et se coiffa d'une chapka en poils de ragondin. Une fois dehors,
elle hésita à se rendre chez Germain pour lui proposer de l'accompagner. Elle
trouvait que son ami avait pris un coup de vieux depuis quelques temps; ses
gestes devenaient lents, il se voûtait de plus en plus, il fatiguait; alors
qu'elle, se sentait dans une forme olympique. Mais comme il comptait beaucoup
pour elle, ses skis la dirigèrent naturellement vers lui.
En arrivant chez l'octogénaire dur
de la feuille, Ginette dut tambouriner durant un bon quart d'heure en hurlant
le prénom de son cher voisin.
- Voilà voilà, j'arrive, il finit
par dire en ouvrant la porte de son logis. Puis il ajouta, en découvrant
Ginette radieuse et emmitouflée dans sa doudoune jaune poussin:
- Oh Ginette, quelle bonne surprise
! Quel bon vent vous amène ? Quelle mine resplendissante et quelle jolie chapka
!
- N'est-ce pas qu'elle est
magnifique, approuva Ginette en passant ses doigts dans la fourrure soyeuse du
chapeau. Figurez-vous que c'est un prince russe qui me l'a offerte lors de mon
dernier voyage à Saint-Pétersbourg.
A ces mots, l'homme éprouva un petit
picotement de jalousie et s'en voulut terriblement de n'avoir jamais offert de
cadeau à cette voisine qu'il trouvait plus belle de jour en jour.
- C'est pas tout ça, reprit Ginette.
La neige est fraiche et le froid vivifiant, m'accompagnerez vous en promenade
dans les bois ? Puis, elle ajouta en chuchotant :
- Pendant que le loup n'y est pas...
Ils quittèrent le lotissement et
s'engagèrent sur un chemin qui menait à un petit bois.
La Mort y attendait Ginette. Cachée
derrière un arbre, un rictus maléfique déformait sa bouche et dans son regard
vide passait une inquiétante lueur rouge. Elle glaçait l'atmosphère dans un
rayon de cent mètres autour d'elle. Le petit cœur des oiseaux et des rongeurs
qui se trouvaient dans ce périmètre démoniaque, cessait de battre. Les insectes
eux-mêmes se figeaient, se recroquevillaient, et mouraient. La Grande Faucheuse
avait décidé d'éliminer celle qui était devenue son pire cauchemar d'une
perfide façon : d'abord l'engourdir, la paralyser par un froid terrible, pour
enfin profiter de son état de faiblesse et l'achever. Elle n'osait plus affronter
directement Ginette. La «vieille dame» lui avait fait perdre confiance, elle
doutait maintenant de ses capacités et hésitait à l'attaquer. Elle craignait
tellement d'échouer.
Le feu aux joues, effet du double
café et de ses efforts en ski de fond, Ginette ne sentait pas que l'air s'était
soudainement glacé. Quant à Germain, il ne pouvait pas davantage sentir le
grand froid : ses efforts physiques et ses sentiments pour Ginette le
réchauffaient. Une douce chaleur bienveillante enveloppait les deux compagnons.
Ils traversèrent le petit bois entourés d'un halo protecteur que le froid ne
pouvait traverser. Leur complicité et leur affection mutuelle les rendaient
invincibles.
Le sombre dessein de La Grande
Faucheuse ne put se réaliser... Elle émit un hululement lugubre, lancinant et
tourmenté.
De retour de promenade, Ginette
invita Germain à boire un thé aux herbes de cimetière, réputé donner de la
vitalité aux vivants.
Chapitre 6: Une fin sans fin
C'était le jour du cours d'aquagym.
Ginette préparait ses affaires de piscine. Elle choisit son maillot de bain
favori, celui avec l'imprimé du groupe Daft Punk, et prit sa plus belle
serviette brodée de cup-cakes multicolores.
En route, elle passa prendre Germain
pour ce rendez-vous hebdomadaire.
- En route, mammouth! dit la
quadragénaire qui adorait les rimes.
- C'est parti mon yéti! répondit le
vieil homme qui raffolait du jeu.
Arrivés à la piscine, ils sortirent
leur carte d'abonnement, prirent chacun une cabine, et se retrouvèrent devant
le pédiluve. L'octogénaire trouva son amie très pétillante, et plus
appétissante qu'un cup-cake.
- Beau maillot! Magnifique ma bique!
- Vous n'êtes pas mal non plus, beau
vermoulu!
Mais La Mort était venue elle aussi.
Tapie au fond des vestiaires, plus enragée que jamais, le regard fou, elle
attendait le bon moment pour exécuter son plan diabolique: se glisser
discrètement au fond de l'eau et tirer Ginette par les pieds pour la noyer.
Un coup de sifflet annonça le début
du cours.
-Vamos! Quelques longueurrrrrs
pourrrrr s'échauffer, dit Julio, bel athlète espagnol et professeur d'a quagym.
- On fait une course? proposa
Ginette à Germain.
- Bonne idée, mais n'allez pas trop
vite... répondit-il déjà essoufflé à l'idée de poursuivre sa sirène.
Ils plongèrent plus ou moins
élégamment, et entamèrent leur première longueur.
La Mort profita du chahut ambiant
pour se glisser dans l'eau par l'échelle et mettre son plan à exécution. Mais
une fois le rebord de la piscine lâché, elle découvrit avec effroi... qu'elle
ne savait pas nager... et commença à se débattre en tous sens, paniquée, les
yeux de plus en plus rougeoyants à cause du chlore. Elle s'étouffait, l'eau
rentrait par tous ses orifices, par toutes ses plaies béantes. Elle vit sa vie
de criminelle défiler dans ses yeux moribonds. Et elle coula. Germain, qui
nageait la brasse, aperçut quelqu'un en train de se noyer. N'écoutant que son
courage, il accéléra en faisant un crawl digne d'un athlète de haut niveau,
plongea en canard et sauva la vie de La Mort.
Inconsolable et désespérée par ce
nouvel échec, La Grande Faucheuse, hoquetant, crachant et toussotant dit:
- J'abandonne, Ginette, je n'en peux
plus... Et puis... ce n'est plus votre heure!! Mais votre tour reviendra! Il
reviendra!
Et elle disparut.
Fière de son héros, Ginette embrassa
fougueusement Germain, sous les yeux ébahis du professeur d'aquagym. Le vieil
homme bomba le torse, se redressa de quelques centimètres, ses cheveux
reprirent de la couleur et ses maux de vieillesse disparurent...
( Posté par Eve Azouar et ses élèves )
mardi 13 mai 2014
Chapitre 6: Une fin sans fin
(Les 5 premiers chapitres sont ici )
C'était le jour du cours d'aquagym. Ginette préparait ses affaires de piscine. Elle choisit son maillot de bain favori, celui avec l'imprimé du groupe Daft Punk, et prit sa plus belle serviette brodée de cup-cakes multicolores.
C'était le jour du cours d'aquagym. Ginette préparait ses affaires de piscine. Elle choisit son maillot de bain favori, celui avec l'imprimé du groupe Daft Punk, et prit sa plus belle serviette brodée de cup-cakes multicolores.
En route, elle passa prendre
Germain pour ce rendez-vous hebdomadaire.
- En route, mammouth! dit la
quadragénaire qui adorait les rimes.
- C'est parti mon yéti!
répondit le vieil homme qui raffolait du jeu.
Arrivés à la piscine, ils
sortirent leur carte d'abonnement, prirent chacun une cabine, et se
retrouvèrent devant le pédiluve. L'octogénaire trouva son amie
très pétillante, et plus appétissante qu'un cup-cake.
- Beau maillot! Magnifique
ma bique!
- Vous n'êtes pas mal non
plus, beau vermoulu!
Mais La Mort était venue
elle aussi. Tapie au fond des vestiaires, plus enragée que jamais,
le regard fou, elle attendait le bon moment pour exécuter son plan
diabolique: se glisser discrètement au fond de l'eau et tirer
Ginette par les pieds pour la noyer.
Un coup de sifflet annonça
le début du cours.
-Vamos! Quelques
longueurrrrrs pourrrrr s'échauffer, dit Julio, bel athlète espagnol
et professeur d'a quagym.
- On fait une course?
proposa Ginette à Germain.
- Bonne idée, mais n'allez
pas trop vite... répondit-il déjà essoufflé à l'idée de
poursuivre sa sirène.
Ils plongèrent plus ou
moins élégamment, et entamèrent leur première longueur.
La Mort profita du chahut
ambiant pour se glisser dans l'eau par l'échelle et mettre son plan
à exécution. Mais une fois le rebord de la piscine lâché, elle
découvrit avec effroi... qu'elle ne savait pas nager... et commença
à se débattre en tous sens, paniquée, les yeux de plus en plus
rougeoyants à cause du chlore. Elle s'étouffait, l'eau rentrait par
tous ses orifices, par toutes ses plaies béantes. Elle vit sa vie de
criminelle défiler dans ses yeux moribonds. Et elle coula. Germain,
qui nageait la brasse, aperçut quelqu'un en train de se noyer.
N'écoutant que son courage, il accéléra en faisant un crawl digne
d'un athlète de haut niveau, plongea en canard et sauva la vie de La
Mort.
Inconsolable et désespérée
par ce nouvel échec, La Grande Faucheuse, hoquetant, crachant et
toussotant dit:
- J'abandonne, Ginette, je
n'en peux plus... Et puis... ce n'est plus votre heure!! Mais votre
tour reviendra! Il reviendra!
Et elle disparut.
Fière de son héros,
Ginette embrassa fougueusement Germain, sous les yeux ébahis du
professeur d'aquagym. Le vieil homme bomba le torse, se redressa de
quelques centimètres, ses cheveux reprirent de la couleur et ses
maux de vieillesse disparurent...
lundi 14 avril 2014
Même pas peur
(En réponse à "un lecteur anonyme, menace madame Dugenou")
Grand Dieu, quel effroi! Votre paire de lunettes menace de tomber sur votre dernier masque, cher corbeau en colère.
Du vert, du rose, du jaune... mais dites-moi, ne seriez-vous pas coquet par hasard?
Grand Dieu, quel effroi! Votre paire de lunettes menace de tomber sur votre dernier masque, cher corbeau en colère.
Du vert, du rose, du jaune... mais dites-moi, ne seriez-vous pas coquet par hasard?
Allons allons, si vous savez tout,
réjouissons-nous: vous mourrez moins bête!
Au plaisir!
Signé: Mme Dugenou
dimanche 13 avril 2014
Un lecteur anonyme et en colère, menace madame Dugenou
jeudi 10 avril 2014
Chapitre 5: Froid comme la mort
Il avait neigé toute la nuit, et les
branches nues des arbres du jardin semblaient avoir été
saupoudrées de sucre glace. Elles se découpaient joliment dans le
ciel bleu délavé du petit matin et cette vision de carte postale
mit Ginette de bonne humeur. Son diabète
ayant miraculeusement disparu, elle avait repris ses habitudes
alimentaires d'autrefois. Elle se servit un
petit déjeuner léger, composé de pudding, dattes, abricots secs,
biscottes beurrées de margarine et agrémentées de sirop
d'érable, et but deux cafés brûlants bien sucrés car elle
projetait d'aller se promener et d'affronter le froid.
Elle sortit ses skis de fond, enfila sa
doudoune et se coiffa d'une chapka en
poils de ragondin. Une fois dehors, elle hésita à se rendre chez
Germain pour lui proposer de l'accompagner. Elle trouvait que son ami
avait pris un coup de vieux depuis quelques temps; ses gestes
devenaient lents, il se voûtait de plus en plus, il fatiguait; alors
qu'elle, se sentait dans une forme olympique. Mais comme il comptait
beaucoup pour elle, ses skis la dirigèrent naturellement vers lui.
En arrivant chez l'octogénaire dur de
la feuille, Ginette dut tambouriner durant un bon quart d'heure en
hurlant le prénom de son cher voisin.
- Voilà voilà, j'arrive, il finit par
dire en ouvrant la porte de son logis. Puis il ajouta, en découvrant
Ginette radieuse et emmitouflée dans sa doudoune jaune poussin:
- Oh Ginette,
quelle bonne surprise ! Quel bon vent vous amène ? Quelle mine
resplendissante et quelle jolie chapka !
- N'est-ce pas qu'elle est magnifique,
approuva Ginette en passant ses doigts dans la fourrure soyeuse du
chapeau. Figurez-vous que c'est un prince russe qui me l'a offerte
lors de mon dernier voyage à Saint-Pétersbourg.
A ces mots, l'homme éprouva un petit
picotement de jalousie et s'en voulut terriblement de n'avoir jamais
offert de cadeau à cette voisine qu'il trouvait plus belle de jour
en jour.
- C'est pas tout ça, reprit Ginette.
La neige est fraiche et le froid vivifiant, m'accompagnerez vous en
promenade dans les bois ? Puis, elle ajouta en chuchotant :
- Pendant que le loup n'y est pas...
Ils
quittèrent le lotissement et s'engagèrent sur un chemin qui menait
à un petit bois.
La
Mort y attendait Ginette. Cachée derrière un arbre, un rictus
maléfique déformait sa bouche et dans son regard vide passait une
inquiétante lueur rouge. Elle glaçait l'atmosphère dans un rayon
de cent mètres autour d'elle. Le petit cœur des oiseaux et des
rongeurs qui se trouvaient dans ce périmètre démoniaque, cessait
de battre. Les insectes eux-mêmes se figeaient, se
recroquevillaient, et mouraient. La Grande Faucheuse avait décidé
d'éliminer celle qui était devenue son pire cauchemar d'une perfide
façon : d'abord l'engourdir, la paralyser par un froid terrible,
pour enfin profiter de son état de faiblesse et l'achever. Elle
n'osait plus affronter directement Ginette. La «vieille dame» lui
avait fait perdre confiance, elle doutait maintenant de ses capacités
et hésitait à l'attaquer. Elle craignait tellement d'échouer.
Le feu
aux joues, effet du double café et de ses efforts en ski de fond,
Ginette ne sentait pas que l'air s'était soudainement glacé. Quant
à Germain, il ne pouvait pas davantage sentir le grand froid : ses
efforts physiques et ses sentiments pour Ginette le réchauffaient.
Une douce chaleur bienveillante enveloppait les deux compagnons. Ils
traversèrent le petit bois entourés d'un halo protecteur que le
froid ne pouvait traverser. Leur complicité et leur affection
mutuelle les rendaient invincibles.
Le
sombre dessein de La Grande Faucheuse ne put se réaliser... Elle
émit un hululement lugubre, lancinant et tourmenté.
De
retour de promenade, Ginette invita Germain à boire un thé aux
herbes de cimetière, réputé donner de la vitalité aux vivants.
Des nouvelles du genou de madame Dugenou
( en réponse à "Madame Dugenou, sachez que..." a voir et à entendre ici )
Cher lecteur en colère,
Vous qui vous régalez de nos
chapitres, êtes-vous repu? Je ne vous entends plus...
Vous vous décrivez comme «un être
doux, aimable et affable» dans votre dernier message. Soit! Mais
depuis quand n'avez-vous pas pris des nouvelles de mon genou? Votre
amabilité aurait-elle des limites? Qu'à cela ne tienne, je vous en
donne!
Figurez- vous que je me rends
quotidiennement dans un centre de rééducation des membres
inférieurs. J'ai beau leur expliquer que mon genou à moi est devenu
un membre Supérieur, une véritable muse, qui m'a propulsée
co-vedette d'un blog à la pointe de l'innovation pédagogique,
l'équipe de kinésithérapeutes continue de nous regarder comme un
banal couple à rééduquer. Et vas-y que j'te triture, que je
t'attache le pied à une poulie, «flexion!extension!», que je
t'envoie pédaler (et ça n'avance même pas!), pousser des poids en
fonte, marcher sur un tapis de marche interminable et sans paysage...
Tant et si bien que si mon genou guérit, mes jambes, elles, ne me
portent plus à la fin de la journée...
Heureusement, me restent ma tête, ma
remplaçante et mes plans à cloche-pieds, qui permettent à mes
élèves et à Ginette de poursuivre leur incroyable aventure. Et m'est avis que je verrai bientôt
Frédéric Kessler sans mes béquilles...
En attendant, je vous offre à lire un
chapitre 5 réfrigérant, régalez vous!
Au plaisir!
Signé Madame Dugenou
lundi 7 avril 2014
Chapitre 4: Un déguisement trompeur
( les autres chapitres sont là)
Ginette adorait la fête d'Halloween. Chaque année elle s'achetait un nouveau déguisement, décorait sa maison et préparait une fête pour quelques amis et voisins du quartier. Cette année là, elle choisit un magnifique costume de citrouille au sourire cruel. Elle espérait qu'il plairait à ses amis!
Ginette adorait la fête d'Halloween. Chaque année elle s'achetait un nouveau déguisement, décorait sa maison et préparait une fête pour quelques amis et voisins du quartier. Cette année là, elle choisit un magnifique costume de citrouille au sourire cruel. Elle espérait qu'il plairait à ses amis!
- Bon, se dit-elle, je vais
commencer par faire des petits fours en forme de chauves-souris pour
l'apéritif, confectionner des araignées en fils de réglisse,
préparer du jus de citrouille, puis m'attaquer à la décoration.
Elle s'activa toute la
journée pour transformer sa demeure en maison hantée. Elle était
si occupée qu'elle en oublia de goûter! Quand son estomac
gargouilla, elle fit une pause et avala quatre araignées et trois
chauves-souris. Le soir venu, Ginette
attendit ses voisins avec impatience. Soudain, on sonna...
- Un bonbon ou un sort!
crièrent en choeur les premiers invités.
Elle fit entrer Basile, son
ancien copain de lycée déguisé en loup-garou,Véronique et
Jean-Pierre accoutrés en chat noir et en Frankenstein, Liliane en
horrible sorcière avec une énorme verrue sur le nez. Puis entra
Germain tout intimidé dans son costume de vampire. Il portait un
élégant smoking noir, une belle chemise blanche, et une cape rouge.
Il avait aussi un dentier aux canines longues et pointues et du sang
qui semblait couler au coin de ses lèvres.
- Quelle élégance,
monsieur Dracula! dit Ginette charmée.
- Je vous croquerais bien,
madame Citrouille, dit-il d'un air coquin.
Il ne manquait plus que sa
voisine Georgette, qui ne savait pas être à l'heure. Ginette mit une musique
entrainante, et tout le monde commença à danser et à faire honneur
au buffet d'Halloween. Germain regardait de travers
le loup-garou qui dansait avec sa citrouille préférée, et il
allait commencer à bouder, quand la sonnette retentit. La maîtresse
de maison alla ouvrir.
- Georgette! Magnifique
déguisement! Quel réalisme! Tu fais froid dans le dos!
- Je suis La Mort! C'est
votre heure, Ginette!
- Allez, je t' ai reconnue
Georgette, petite farceuse, entre!
La fausse Georgette leva sa
faux pour trancher Ginette en deux. Tout le monde se mit à rire
devant tant de comédie, et Germain lui donna une tape amicale dans
le dos. Déstabilisée, La Grande Faucheuse qui n'était qu'un sac
d'os, partit en avant et se prit les pieds dans le tapis. Elle
s'étala de tout son long dans le salon, provoquant un fou rire
général. Ginette, croyant que son
amie s'était fait mal, se sentit très gênée et demanda à
Frankenstein de la porter sur le canapé.
- Repose-toi un moment,
Georgette, je t'amène quelques petits fours et un bon jus de
citrouille pour te retaper.
Mais quand elle revint, elle
ne trouva personne... La Mort, déprimée par ses propres échecs,
était repartie discrètement en pleurant de rage. Quand Georgette sonna
vraiment, personne ne comprit qui s'était étalé dans le salon.
Seule Ginette avait sa petite idée. Germain l'invita à danser un
slow. En posant ses mains sur les épaules de son ami, elle vit que
ses tâches de vieillesse avaient disparu. Elle se dit que sa
nouvelle crème achetée une fortune en pharmacie marchait du
tonnerre!
jeudi 3 avril 2014
A propos du chapitre trois
Mesdames et messieurs mes
chers auteurs de l’école Moulin Pergaud,
Comme toujours je lis et
relis votre prose avec beaucoup de plaisir.
Cette fois c’est presque
parfait, si ce n’est quelques bricoles que vous déciderez
peut-être de modifier:
- Ginette et La Mort sont
très différentes. Ginette est une bonne vivante, gourmande, et
malicieuse. La Mort est puante, pourrie, colérique et revancharde.
Cependant, dans le chapitre trois Ginette se met en colère et elle
emploie une expression qui ressemble à s’y méprendre à une chose
que dit régulièrement la mort : «Je t’aurai». Si
j’étais vous je ferais attention à bien respecter le caractère
particulier de chacun de vos deux personnages principaux, afin que
toujours ils se distinguent. Ainsi la mort pique des colères alors
que Ginette trouve toujours le moyen de résoudre ses problèmes. Et
si elle avait une devise, ce pourrait être : «il n’y a pas
de problème, il n’y a que des solutions».
- D’autre part
l’expression «je l’aurai, je l’aurai» qui revient et
reviendra comme un Leitmotiv au cours de votre récit évoque une
blague récurrente d’une émission de télévision des année 80,
qui a été reprise depuis par la publicité, n’est ce pas dommage?
Vous pourriez peut être créer votre Leitmotiv de La Mort à vous.
Qu’en pensez vous?
Ceci étant dit, je
retourne relire votre chapitre 3 en attendant impatiemment le 4 que
vous nous préparez dans le plus grand des secrets...
En vous remerciant pour
votre beau travail d’écriture,
Frédéric Kessler, votre
fidèle lecteur.
lundi 24 mars 2014
Chapitre 3: Le sudoku de la mort
Bien installée dans son fauteuil à bascule, Ginette lisait son journal. Elle tomba sur l'annonce d'un concours de sudoku. Elle hurla de joie, sauta en l'air, dansa quelques pas de samba (elle avait retrouvé un jeu de jambes inespéré) et prit dans sa cave sa meilleure bouteille de champagne: elle devait fêter la nouvelle avec Germain. Elle attendait ce concours depuis si longtemps!
Ginette s'empressa de
rejoindre son ami et lui annonça, haletante:
- Germain, Germain, vous
avez lu la nouvelle?
- Mais enfin Ginette,
calmez-vous, vous êtes en sueur! Avez-vous battu votre record de
tours de parking?
- Mais non, Germain, le
journal, l'avez-vous lu?
- Oui, j'ai vu! Il y a des
caleçons en promotion...
- Mais non voyons! Je vous
parle du concours régional de sudoku!
- Ah oui! Vous parlez de
cela! Eh bien, je compte y participer aussi, j'espère arriver à
vous battre!
Ils trinquèrent, burent
deux coupes de champagne et entamèrent une tarte aux pommes. Germain
savait Ginette gourmande, et il avait toujours quelques réserves
pour les fois où elle passait à l'improviste. Plus il regardait sa
voisine préférée, plus il la trouvait jolie et coquette. Il se dit
que sa nouvelle coiffure lui donnait comme un coup de jeune.
Puis Ginette rentra chez
elle pour s'entraîner. Elle se prépara du pop corn, fit une partie
de Call Of Duty pour s'échauffer (elle ne se sentait jamais aussi
bien qu'après avoir mitraillé quelques zombies) et fut enfin
prête.
Elle attaqua un sudoku de
niveau 9, mais le résolut en trois minutes.
- Tiens, j'ai progressé, se
dit-elle. D'habitude, je mets bien vingt minutes!
Elle attaqua un niveau dix,
puis onze, puis douze. Au niveau quinze, elle bloqua, se creusa les
méninges, mais comme elle était mauvaise perdante, elle sentit la
hargne l'envahir. Elle se leva d'un bond, et s'en prit aux objets qui
l'entouraient en les lançant à travers la pièce.
La Mort, toujours résolue à
éliminer Ginette, mais beaucoup plus méfiante, était entrée par
la fenêtre de sa chambre restée ouverte. Annoncée par un souffle
glacial, elle arrivait des ténèbres, large et profonde cicatrice
sur sa peau putréfiée, ses mains décomposées tenant un poignard
maculé de sang.
Elle descendit les escaliers
lentement, et s'approcha du salon où notre matheuse se défoulait
sur tout ce qu'elle trouvait en criant:
- Tu vas voir, sale bête,
je t'aurai! Tu ne me résisteras pas longtemps!
La Mort se dit que Ginette
devait s'énerver sur son chien, et qu'elle pourrait la tuer plus
facilement puisqu' elle était occupée par quelque chose. Elle se
faufila dans le salon, et se retrouva derrière la vieille dame
énervée. Un filet de bave rouge pendant de sa bouche hideuse, elle
brandit son poignard . Elle s'apprêtait à le planter, quand une
balle de ping pong lancée par Ginette avec rage rebondit sur le
mur...et vint se ficher dans son orbite vide.
De surprise, elle lâcha son
arme et poussa un cri à vous glacer les os. Ginette fit volte face,
mais ne put avoir peur devant ce qu'elle voyait! Elle éclata encore
de rire, annulant le pouvoir de La Mort sur elle.
Hors d'elle, exaspérée, La
Grande Faucheuse sortit par la porte avec fracas en hurlant:
- Je l'aurai un jour, je
l'aurai!
Ginette s'était calmée, et
reprit son carnet de sudokus et son crayon.
- Tiens, j'ai moins mal aux
doigts, mon arthrose me laisse un peu de répit on dirait...
mardi 18 mars 2014
Madame Dugenou, sachez que...
A propos du chapitre II
Mes chers confrères, Auteurs de
l’école Moulin Pergaud,
Une fois de plus je me suis régalé à
vous lire, à vous relire et vous rerelire.
Le deuxième épisode de votre
feuilleton est un tel régal, que déjà, je me pourlèche les
babines à l’idée de dévorer le troisième.
Je ne sais pas vous? Mais pour ma part,
j’ai confiance dans l’intelligence du lecteur. Aussi, je ne lui
dis pas tout, et lui laisse le soin de deviner certaines choses tout
seul.
A présent, le
lecteur de votre roman sait ce qu’il va advenir de Ginette et
qu’elle va perdre 10 ans à chaque chapitre. Vous nous l’avez
annoncé dès le premier épisode «elle venait de perdre dix ans...»
puis vous enfoncez le clou au deuxième: «elle se tordit de rire, et
rit tellement... qu’elle rajeunit de dix ans.» Si j’étais vous,
je modifierais un tout petit peu le 1er chapitre en
trouvant une astuce pour le dire sans le dire et donner au lecteur la
possibilité de le deviner sans en être complètement sûr. Dans le
second chapitre, c’est encore plus simple, vous pourriez supprimer
purement et simplement «qu’elle rajeunit de dix ans» car les
indices ( les dents qui repoussent, l’homme qui regarde Ginette, et
la couleur des cheveux) suffisent au lecteur pour deviner tout seul.
Ceux qui avaient déjà flairé cette piste dans le premier chapitre,
se diront: «je le savais!» et se sentiront très intelligents.
Quant aux autres, ils commenceront à comprendre à la lecture du
second épisode, et se sentiront très intelligents en découvrant
les nouveaux indices que vous déposerez à leur intention dans le
chapitre 3.
Qu’en pensez-vous?
En vous saluant cordialement,
Frédéric.
lundi 24 février 2014
Chapitre 2: A deux doigts d'y passer
(Le chapitre 1 est ici)
Ginette était résolue à brûler les calories de son dernier baba au rhum. Elle se dit qu'aller à son club de rugby pour femmes âgées après un jogging serait une bonne idée pour y parvenir. Elle enfila son survêtement rose fluo et choisit ses baskets vertes.
Ginette était résolue à brûler les calories de son dernier baba au rhum. Elle se dit qu'aller à son club de rugby pour femmes âgées après un jogging serait une bonne idée pour y parvenir. Elle enfila son survêtement rose fluo et choisit ses baskets vertes.
En chemin, elle ne put
s'empêcher de regarder les éclairs au chocolat à la vitrine de la
boulangerie. Elle craqua et s'en acheta un. Elle l'avala bien vite
car elle culpabilisait, et s'étouffa. En toussant, elle cracha son
dentier. C'est alors qu'elle remarqua avec stupeur que certaines de
ses dents avaient repoussé...
- Il faudra que j'en parle à
mon dentiste, se dit-elle.
Elle reprit son footing et
passa devant les maisons aux jardins si joliment fleuris de ses
voisins. Elle les salua au passage sans s'arrêter, mais quand elle
vit Germain qui la fixait de ses beaux yeux bleus, elle ne put
s'empêcher de ralentir.
- Bonjour madame Ginette,
bafouilla le charmant homme.
- Bonjour, monsieur Germain,
répondit Ginette en rougissant comme une tomate.
- Vous êtes ravissante!
Vous avez l'air plus en forme que d'habitude... Vous avez fait une
coloration à vos cheveux? s'étonna-t-il.
- Euh non! dit-elle,
surprise par cette question.
Alors elle lui fit son plus
joli sourire pour le remercier de ses gentillesses. Elle reprit sa
course et se sentit plus légère. Elle battit son record de tours de
parking.
Mais La Mort n'avait pas
abandonné l'idée de faire passer Ginette de vie à trépas.
Elle arriva de l'au-delà,
regard mortel, haleine létale, tenant une hache déjà pleine de
sang: elle venait de tuer un pauvre homme. Son sourire était
terrifiant, un oeil pendait hors de son orbite, et on comprenait
qu'elle allait mettre un plan démoniaque à exécution. Sa cape
ensanglantée volait au vent quand elle aperçut Ginette. Elle était
encore plus déterminée que la dernière fois.
Ginette sentit une présence
dans son dos et une odeur de pourriture. Elle accéléra en pensant
que les voisins fermaient mal leurs poubelles, et se mit à râler.
La Mort se rapprochait de plus en plus. A moins d'un mètre d'elle,
elle tendit sa hache en l'air pour trancher la vieille dame en
deux... Mais le capuchon de de sa cape lui tomba sur les yeux! Elle
ne vit plus rien, et comme elle avait très peur du noir, elle
paniqua et se mit à courir dans tous les sens.
Ginette se retourna, et vit
un spectacle étonnant: quelqu'un, déguisé d'une cape, capuchon sur
la tête, gesticulant dans tous les sens, et se prenant un poteau...
Elle se tordit de rire, rit,
rit, et rit tellement... qu'elle rajeunit de dix ans...
- Je reviendrai Ginette!
Marmona La Mort en s'enfuyant, honteuse et verte de rage.
Son fou rire passé, Ginette
rentra chez elle, d'un pas plus léger que jamais.
( Posté par Eve Azouar et ses élèves.)
dimanche 23 février 2014
Un malin plaisir
(En réponse à:"L'intolérable attente")
Cher lecteur en colère,
Quel malin plaisir je prends à vous
retrouver.
Je vous devinais grognon, je ne
mesurais pas à quel point!
Sachez que si nous distillons notre
histoire au compte-goutte, c'est que nous voulons créer chez nos
lecteurs, ce sentiment de fébrile impatience et de manque, auxquels
vous avez succombé (à notre grande joie).
C'était bien entendu l'effet recherché
et vous êtes donc le lecteur parfait!
Votre impatience à nous lire vous
rendrait presque sympathique. Prenez garde.
Signé : Mme Dugenou
(Posté par Eve Azouar, enseignante à l'école Moulin Pergaud)
jeudi 20 février 2014
Secrets de fabrication
En réponse à: " A propos du chapitre 1"
Cher Frédéric Kessler,
Nous voulons bien vous dévoiler quelques secrets de fabrication de notre histoire… Nous avons bien une sorte de plan avant d’écrire. En fait, nous avons une idée principale par chapitre, avec quelques détails à mettre dedans. Par contre, la fin de notre récit n’est pas encore fixée, nous ne savons toujours pas ce qui arrivera à Ginette.
En relisant notre 1er chapitre, nous nous sommes aussi rendus compte qu’il fallait travailler plus sur la description de la mort au chapitre suivant, la rendre plus terrifiante, en essayant de ne pas être trop "gore"! C'est ce que nous faisons en ce moment en classe.
A bientôt!
Pour la classe, Suzie et Wassim
(Posté par Eve Azouar, enseignante à l'école Moulin Pergaud)
L'Intolérable attente
(En réponse à:"Les épines tibiales")
Madame Dugenou,
Certes vos élèves ont donné à lire au monde, et le monde les en remercie.
Mais à présent le monde en redemande, et il n’a rien à se mettre sous la dent.
Pour ma part, et pour ne pas errer comme une âme en peine en attendant le
second chapitre des aventures de Ginette, je lis, relis, et rerelis, encore et encore
le premier chapitre, tant et si bien que je le connais par cœur.
C’est intolérable !
Signé : Un fidèle lecteur de vos élèves, en colère.
( La réponse de Madame Dugenou, est ici)
Madame Dugenou,
Certes vos élèves ont donné à lire au monde, et le monde les en remercie.
Mais à présent le monde en redemande, et il n’a rien à se mettre sous la dent.
Pour ma part, et pour ne pas errer comme une âme en peine en attendant le
second chapitre des aventures de Ginette, je lis, relis, et rerelis, encore et encore
le premier chapitre, tant et si bien que je le connais par cœur.
C’est intolérable !
Signé : Un fidèle lecteur de vos élèves, en colère.
( La réponse de Madame Dugenou, est ici)
samedi 15 février 2014
A propos du chapitre 1
(En réponse à, Chapitre 1: L'heure de la rencontre)
Mes chers auteurs de
l’école Moulin Pergaud,
Tout d’abord, je tiens à
vous féliciter pour votre premier épisode, que j’ai dévoré
littéralement. Maintenant je le sais, vous êtes des auteurs!
En
lisant et en relisant votre texte, je me demande quel genre
d’écrivains vous êtes. Êtes vous de ceux qui font un plan de leur
roman avant de commencer? Pour ma part je n’en fais pas. En
revanche, je ne peux envisager d’écrire la moindre ligne, tant que
je n’ai pas la fin de l’histoire en tête. Avez vous déjà
imaginé la fin de votre récit?
La description de Ginette
est tout à fait savoureuse. Et m'est avis que vous tenez là votre
personnage principal, tant et si bien, que je m’y suis déjà
attaché.
Cependant, je pense que
votre description de la mort est trop succincte. Certes, je me suis
beaucoup amusé à voir la mort déguerpir par la porte du jardin,
mais il me semble que cela aurait été plus drôle encore si vous
aviez pris le temps de nous ficher la trouille lorsqu’elle entre en
scène. Qu’en pensez-vous?
Impatient de lire la
suite,
Frédéric Kessler
lundi 10 février 2014
Chapitre 1: L'heure de la rencontre
Ginette était une jeune
fille ronde et joyeuse de 96 ans qui adorait cuisiner dans sa petite
cuisine rose au carrelage vert pomme. Tous les dimanches, elle
confectionnait son fameux gâteau chocolat-banane hyper calorique,
une tarte aux pommes à la crème fraîche, et un baba au rhum.
Ensuite, Ginette culpabilisait, et comme elle était très sportive,
elle allait faire du jogging pour tenter de les éliminer.
Elle allait au casino tous
les samedis, et s'était fait tatouer le signe du dollar sur le bras
droit. Elle était mauvaise perdante, devenait hargneuse et se
mettait en colère dès qu'elle perdait.
Elle passait des nuits
blanches à jouer aux jeux vidéos ou à faire des sudokus, car elle
adorait les mathématiques. D'ailleurs elle avait toujours des
équations en tête.
De toute évidence, elle
était heureuse de pouvoir encore profiter de la vie.
Mais elle ignorait que La
Mort l'avait choisie comme victime, car elle estimait que Ginette
avait assez vécu.
Par un triste après-midi
pluvieux, La Mort arriva de l'enfer, corps glacé, sourire
carnassier, tenant dans sa main squelettique une faux tranchante...
Ginette, insouciante,
était en train de cuisiner sa tarte aux pommes. Elle entendit
sonner. Elle ouvrit la porte et un vent glacial rentra chez elle. La
Mort était là, face à la vieille dame.
- Vous devez mourir!
dit-elle d'une voix grondante.
- Pas besoin de me
vouvoyer, dit Ginette en souriant. Mais par contre je vous conseille
d'aller acheter une brosse à dents de bonne marque!
- Pardon??? Retirez tout
de suite ce que vous venez de dire!gronda La Mort.
- Ne le prenez pas mal,
c'est juste que...
- Stop! Je ne suis pas
venue là pour discuter. Tremblez, vous devez mourir!
Ginette sentit que son
visiteur était vexé et se dit que la moindre des politesses serait
de lui proposer une tasse de thé.
- Entrez donc, vous
prendrez bien une tasse de thé à la rose ou à la violette?
- Non! Je suis venu pour
vous tuer. Vous avez suffisamment profité de la vie!
- Puisque vous n'aimez pas
le thé, vous mangerez un bout de ma tarte aux pommes. Allez, entrez!
Elle fit entrer La Tueuse
presque de force, la fit s'asseoir et lui dit d'attendre.
Quand elle fut dans sa
cuisine, La Grande Faucheuse la rejoignit discrètement. Elle se
tenait derrière Ginette, menaçante. Mais quand la vieille dame se
retourna, elle fut si surprise qu'elle lâcha la tarte brûlante sur
son pied. La Mort hurla de douleur, sautilla, trébucha sur une
haltère de Ginette qui traînait par terre, se rattrapa aux rideaux
qui tombèrent avec elle...
Elle fut si vexée,
qu'elle s'en alla en courant par la porte du jardin. Elle cria :
- Je me vengerai Ginette!
Celle-ci explosa de rire,
elle n'avait pas compris qu'elle l'avait échappé belle.
Elle venait de rajeunir de
dix ans, mais ne l'avait pas encore remarqué...
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